Des communautés investies dans l’avenir de leurs écoles

L’ambiance est survoltée en ce matin pluvieux dans la cour de l’École Primaire Publique du village d’Assoumankro, à une cinquantaine de kilomètre de Soubré par une piste longue et fatigante. Tous les élèves, une majorité de leurs parents, le corps enseignant au grand complet et les membres du Comité de Gestion de l’Établissement Scolaire (COGES), s’y sont, en effet, rassemblés. L’objectif de cette rencontre : expliquer à la communauté les projets de construction de nouvelles infrastructures scolaires et l’impliquer dans ces futures réalisations en particulier et dans la vie de l’école en général.

Tous mobilisés pour les travaux
Il est indéniable que l’établissement en a grandement besoin : les salles de classe, trop exigües et en nombre insuffisant, sont construites en matériaux provisoires. Par ailleurs, les infrastructures essentielles, telles que des latrines fonctionnelles et des dispositifs de lavage des mains, sont inexistantes. Cette situation, loin d’être un cas isolé, reflète une tendance plus large : selon un rapport du Ministère de l’Éducation nationale, en milieu rural, 14,5 % des salles de classe étaient en mauvais état en 2021 et 17,9 % étaient édifiées à partir de matériaux provisoires. Cette réalité est davantage prononcée en zone rurale.

Les représentants du Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation, en visite à Assoumankro il y a quelques mois, ont également relevé ces défaillances et ont décidé de venir en aide à cette école à travers le mécanisme de financement CLEF, en programmant la construction de six nouvelles classes, d’un bureau pour son Directeur, d’une clôture, de latrines et d’un forage, sans oublier la mise à disposition d’un système de panneaux solaires. Une perspective qui enchante Olivier Dibi Brou, le Directeur de l’école qui endosse aussi la responsabilité de Vice-Président de son COGES : « Ce n’est pas toujours facile de travailler dans les conditions actuelles et de fournir un apprentissage digne de ce nom à nos 170 élèves. Un tel projet est un véritable soulagement pour toute la communauté ! »

Si cette dernière attend avec impatience l’arrivée des différents corps de métier en charge des travaux, cette assemblée générale du COGES, menée par son bureau – composée d’un Président, un Vice-Président, un trésorier, un représentant des parents d’élèves et un représentant des élèves -, vise un autre objectif : rappeler à toutes et à tous que l’école est essentielle, qu’il est important de s’impliquer lors des débats et décisions sur l’avenir de l’établissement, de participer aux réunions parents-enseignants et aux actions menées pour améliorer les conditions d’apprentissage… Mais surtout qu’il est impératif que tous les enfants du village viennent à l’école !

La fréquentation scolaire, Marie-Louise Kouamé Amoin qui est représentante des femmes au COGES et est mère de deux filles inscrites à l’école, y veille aux grains : « Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école, alors je sais que c’est important que mes enfants y aillent. Et je me bats, en me rendant dans toutes les maisons, pour que tous les enfants du village s’y rendent, surtout les jeunes filles, car ce n’était pas forcément dans les habitudes. » Une volonté qui rassure Jean-Paul Yehi, Conseiller COGES auprès de la Direction Régionale de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation de Soubré : « C’est formidable de voir toute la communauté se mobiliser pour l’école, car sans elle, rien ne peut vraiment avancer. » À l’inverse, lorsqu’elle est pleinement engagée, les résultats suivent : une récente étude menée par l’UNICEF en Côte d’Ivoire montre clairement que le soutien communautaire est positivement associé à une amélioration de la performance des écoles.

De belles perspectives
À Bakaridougou, toujours à une cinquantaine de kilomètres de Soubré par une autre piste un peu plus praticable, les mêmes projets ont bel et bien avancé grâce à l’appui de CLEF et à l’implication du COGES. Malgré le temps orageux et pendant que les 194 élèves des six classes de l’École Primaire Publique composent, une petite dizaine d’ouvriers sont à pied d’œuvre. Après avoir réalisé le mur d’enceinte, ils s’attaquent maintenant à la construction de trois nouvelles salles de classe et de latrines. Un chantier qui réjouit le Directeur de l’établissement, Silué Donikpoho, qui est également Vice-Président de son COGES : « Ces nouvelles salles de classe vont nous permettre d’accueillir plus d’élèves et dans de meilleures conditions. Aujourd’hui, nous sommes persuadés que notre école peut devenir un véritable centre d’excellence grâce à toutes ces nouvelles réalisations. »

Cette ambition est bien légitime et pousse les membres du COGES à se réunir régulièrement pour suivre au plus près l’avancée des travaux. Comme l’explique, en marge d’une de ces réunions, Roméo Koffi, enseignant en cours préparatoire 1 (CP1) depuis six ans à Bakaridougou et Trésorier adjoint du COGES, « le choix des prestataires, la gestion financière et le contrôle du chantier nous incombent. Nous tachons donc de tout mettre en œuvre pour que l’investissement de l’initiative CLEF permette d’atteindre les objectifs fixés. » Afin que Roméo et tous les membres du COGES soient en mesure de remplir efficacement cette mission et participent activement aux travaux d’extension de l’école, le Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation dans le cadre de l’initiative CLEF a organisé une série de formations essentiellement axées sur l’attribution de marchés et la gestion budgétaire.

Parallèlement, CLEF accompagne également les Conseillers COGES auprès des Directions Régionales de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation qui supervisent et guident les comités qui leur sont attribués. Ces Conseillers bénéficient de formations pour que leur accompagnement soit optimal et reçoivent des motos pour se rendre plus facilement dans les diverses écoles, souvent dans des zones rurales très reculées. Pour Silué Katienefohoua, Conseiller COGES de l’École Primaire Publique de Bakaridougou, l’aide de CLEF est réellement précieuse : « Je me déplace au quotidien entre les 62 établissement au sein desquels je suis Conseiller COGES, les pistes sont longues et souvent difficilement praticables, surtout en saison des pluies, alors le moyen de locomotion fourni par le Ministère et ses partenaires de CLEF facilite grandement ma mission. »

Communautés Actrices du Changement
À Bakaridougou et Assoumankro, l’école se transforme et, avec elle, un meilleur avenir se profile. De nouvelles infrastructures, équipées des commodités de base, offrent aux élèves des conditions d’apprentissage dignes et motivantes. Les effectifs scolaires augmentent, les enfants affluent chaque matin et, dans le regard de leurs parents, renaît l’espoir d’un futur meilleur pour eux, pour leurs enfants, pour le village tout entier. Ce changement n’est pas un hasard. Il témoigne de ce qui devient possible lorsque la communauté s’approprie l’éducation et qu’elle est soutenue dans ses efforts.